Promenade au parc du château de La Hulpe

Des réunions en ligne, c’est plutôt sympa pour des autistes: pas de déplacement à gérer, la possibilité de se déconnecter si besoin, un temps de réaction qu’on peut adapter… bref, quoi de plus confortable quand la plupart des potentielles sources d’angoisse sont maîtrisées! Néanmoins, on a eu envie, pour une fois, d’autre chose.


Et si on quittait nos réunions en ligne pour se rencontrer en vrai? Une première en l’occurence. Très vite, c’est au Château de la Hulpe qu’on décide de se retrouver. Au-delà de la beauté du lieu, il y a parfois des souvenirs, parfois des intérêts qui émergent: botanique, opéra, théâtre, cinéma, aquarelles, on dirait qu’on a tous un passé avec ce lieu… ou pas! Car, pour certains qui viennent de loin, c’est une vraie découverte.


Sur place, je suis la première. Typique. Une heure d’avance. Pour être sûre. Pas de banc. Juste un plot de béton. Pas confort. En plein soleil. Lumière intenable. Je déménage à l’ombre et je garde les lunettes. Attente… J’observe inexorablement l’arrivée potentielle d’un même. Oui… non… peut-être, et me voilà débusquée par mon presque homonyme. Les autres ne tardent guère à apparaître, en parfaits inconnus car, entre écran et réalité, il n’est pas toujours simple, en tout cas pour moi, de reconnaître les visages. Certains semblent mieux maîtriser les codes sociaux que d’autres. Mais l’ambiance est plutôt sereine entre ceux qui hésitent à parler et ceux qui attendent de voir. Contente d’être là, même si je préfère ne pas trop me poser la question à cet instant précis. A priori, rien ne va mal, et le soleil, invité surprise, facilite plutôt les choses.


Début de la balade. Facile, un seul chemin. Choix évident. Confortable. Terrain sec (même si, de la fin de la promenade, je garde un souvenir plus spongieux!). En duos, improvisés mais rassurants. J’ai sorti ma panoplie de codes. J’ai l’embarras du choix, mais trop contente de voir que l’autre ouvre les festivités. Ouf, plus facile de répondre dans un premier temps que d’ouvrir le jeu. On se détend. Personne ne semble trop isolé. Il faudra y veiller. Un peu plus tard peut-être. Heureusement, la balade est longue. On peut respirer.


Premier écart du sentier, direction une souche que l’un d’entre nous a repérée. On suit. On s’approche de cette curieuse sculpture imposante. On en fait le tour. On visite l’intérieur. Entre déception pour les uns, étonnement ou admiration , le verdict tombe: souche de sequoia. – Ca doit être une blague. Les séquoias, ça ne pousse que dans les parcs nationaux aux USA. Ok, c’est grand et, oui, avec un peu d’imagination, on pourrait le croire. – Et même que le petit arbre à côté doit en être un également, se murmure-t-il… (Je n’y connais rien en arbres exotiques, mais on dirait juste un arbre comme il en pousse partout où la nature s’immisce en douce!) Heureusement, je ne rate jamais une occasion de me taire. Je commence à douter. Un séquoia, vraiment? Je pose des questions, sur les feuilles, l’origine et le cours de botanique s’improvise, début d’une longue leçon passionnante qui se poursuivra tout au long de la balade, sans façon, simple et fascinante.


Il faut dire que le parc du château, c’est un voyage en soi: séquoia géant, pterocayer du Caucase, tulipier de Virginie, tsuga de Californie, douglas de l’Oregon, cryptomeria du Japon. La faune non plus n’est pas en reste: grèbe huppé, fuligule milouin, foulque macroule, oies bernache,… Pour moi qui affectionne les mots et leur atours, c’est un véritable festival qui n’en finit pas de surprendre, car en ce qui me concerne, c’est un univers dont il me reste tout à explorer. Si pour certains, cette magie s’explique par leur intérêt (spécifique), pour moi, pourtant habituée du lieu, c’est une belle découverte. Et le regard des autres ouvre tellement de perspectives. Génial!


Pour clôturer la balade, arrêt à la brasserie du lieu. Le moment est convivial malgré nos sens mis à rude épreuve: bruit parfois envahissant, senteurs variées, commande invisible, humour décalé ou résistant; malgré tout, chacun veille à l’équilibre de l’instant. Sans doute nos particularités partagées sont-elles, cet après-midi, moins lourdes à porter, ou simplement plus faciles à gérer quand on se comprend et sans avoir à se justifier.


J’ai eu honte, une bonne heure au moins, d’avoir laissé l’un de nous soudoyer la serveuse pour ne pas payer l’addition! Note d’humour qui, bien évidemment, m’avait totalement échappé… Note légère d’un breuvage en réalité offert, non par la serveuse, mais bien par l’un d’entre nous, en toute discrétion. Merci à toi pour cette délicate attention! Merci à vous pour cette jolie rencontre, atypique.